Dossier été 2017 : Histoire du tourisme
Le tourisme est d’abord un voyage : un voyage à travers l’histoire, la géographie, les cultures. On voyage d’abord pour découvrir, observer, échanger, rêver. Les voyages des Grecs ou des Phéniciens, les périples de Nicolo, Mafeo et Marco Polo n’étaient pas très différents, mais duraient le temps d’une vie ou presque. La mondialisation existait, mais n’en portait pas encore les stigmates, ni le nom d’ailleurs. Le monde restait à découvrir. Une expansion des civilisations reposant sur l’invention et sur l’innovation technologique, la vitesse des échanges a augmenté, d’abord au rythme des chevaux, puis de la vapeur et, enfin, des moteurs à explosion (et même, aujourd’hui, électriques). Les sources d’énergie ont sans cesse repoussé les frontières des déplacements, leurs volumes et leurs fréquences.
Fermez les yeux, lecteur, et tentez d’imaginer, ne serait-ce qu’un instant, les conditions d’un voyage au début du siècle dernier. En 1900, Emile Loubet est président de la République. Le métro est inauguré à Paris, les plaques d’immatriculation sont rendues obligatoires sur les quelques centaines d’automobiles qui pétaradent dans les rues des grandes villes. C’était hier, c’était il y a si peu de temps. Les chemins de fer forment sur les terres de I’Europe occidentale un réseau particulièrement dense, emprunté par des locomotives crachant des fumées noirâtres, chargées de cette odeur tenace du charbon qui se consume.
Les routes sont encore couvertes de terre, la poussière s’élève dès les premières chaleurs, les voitures sont si lentes. Quelques amateurs de technologies bandent les roues de gomme de caoutchouc, on les appellera plus tard les pneumatiques. Le premier guide Michelin pour les automobilistes est publié. Les cols des Alpes ne cèdent pas pour autant leurs lacets aux moins intrépides des voyageurs. Les rares privilégiés qui les empruntent goûtent ces trajets comme autant d’aventures. Le Mont-Cenis, le Brenner, le Montgenèvre ouvrent les portes vers cette ltalie où il est indispensable de se rendre. Venise, Bologne, Florence, Rome, Naples, toutes ces villes attirent les touristes français, allemands ou anglais. Sentez-vous le parfum de l’expédition ?
Révolution industrielle et « droit à la paresse »
Puis le voyage a changé. Il est entré dans l’ère de la modernité issue de Ia révolution industrielle, des paysages d’usines et de fabriques, des villes qui s’étendent à la vitesse des transports qui, de l’autre côté de l’Atlantique, façonnent l’identité de I’Amérique. Les routes sont goudronnées, les voitures vont de plus en plus vite. Des lois sociales sont votées et les citoyens du monde occidental continuent d’être payés lorsqu’ils partent en congés (« Bank Holiday Act » en Angleterre, dès 1871, puis aux Etats-Unis et au Canada, multiplication des fêtes commémoratives de trois jours, Thanksgiving Day, Halloween). La liberté s’exprime. La mémoire collective retient, en France, qu’au Front populaire, en 1936, correspond » l’An I du bonheur « , selon l’expression de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’organisation des loisirs. On célèbre ces images devenues symboles républicains, les files ininterrompues de tandems sur les petites routes empoussiérées de campagne, les gares des grandes villes – et surtout de Paris – digérant avec peine les flots de passagers, les feux de camp, les auberges accueillant les travailleurs jusque sur les côtes et dans les vallées. En 1936, 22 des 42 millions de Français vivent en ville, tandis que 20 millions vivent encore dans les zones rurales. C’est l’âge d’or de l’État providence, qui investit dans de multiples infrastructures de transports. On prend le train, le bateau et bientôt l’avion pour découvrir le monde. De nouvelles destinations deviennent à la mode.
Vers une industrie de l’escapade
La Seconde Guerre mondiale saigne l’Europe et le monde, qui n’ont plus le cœur à rêver de l’ailleurs. Il faut attendre les années 1950 pour que les premières formes du tourisme moderne apparaissent et s’ouvrent à un plus grand nombre. L’urbanisation et l’individualisation des mobilités, avec l’essor de l’automobile, vont marquer le début du tourisme de masse. Quand I’Europe est reconstruite, des efforts sont faits pour permettre et pour organiser les vacances des plus démunis, des familles, des plus jeunes. Des améliorations techniques les accompagnent : des autoroutes sont construites, le bitume couvre la plupart des routes nationales et secondaires, les avions abolissent les distances. Les Trente Glorieuses inaugurent également l’ère de l’activité entrepreneuriale touristique, destinée à vendre des voyages et des produits finis (clefs en mains ou tout inclus), et consacrent le temps des consommateurs en quête de rêve ou d’exotisme banalisé. De nombreuses entreprises naissent, comme la FRAM (fer – route – air – mer), en 1949, pour transporter des pèlerins d’abord du Sud-Ouest de la France vers les lieux saints de Lourdes et, au Portugal, Fatimà, Ie CIub Méditerranée en 1950, Nouvelles Frontières en 1967. Les premiers charters s’envolent, des millions de touristes choisissent les plages de la Méditerranée comme refuge estival. Les campings fleurissent et les stations balnéaires se développent sur toutes les côtes, sans grand souci esthétique.
C’est le temps de l’industrialisation du tourisme. On définit d’ailleurs bientôt le tourisme comme l’ensemble des activités qui concourent aux déplacements effectués hors du domicile permanent pour des motifs d’agrément, d’affaires ou de santé. Le champ du tourisme est vaste. Il concerne désormais de nombreuses activités spécialisées (hébergements, agences de voyages, tour-opérateurs, offices de tourisme, etc.), mais aussi des activités connexes (transports, restauration, loisirs, culture et patrimoine, sports, commerces, environnement, nouvelles technologies, internet, etc.).
Source : Le Guide du Routard
Cet article fait partie du dossier été 2017