Vous voyagez dans une ville étrangère. Vous sortez de l’aéroport, d’un hôtel d’un musée ou d’une église. Quel est le premier réflexe d’un voyageur ? Regardez-vous d’où vient le vent ou levez-vous le nez pour voir si il pleut ? Combien d’entre vous ont désormais ce geste, presque machinalement, de saisir son téléphone portable et de faire défiler sur l’écran des applications dédiées, ou de vous connecter à Internet. Des informations sur la météo à 10 jours apparaissent immédiatement, comme un parcours touristique dans les rues qui vous entourent. ou les disponibilités dans les hôtels dans un rayon de moins de deux kilomètres. Que serait le tourisme à l’échelle mondial, aujourd’hui, sans Expedia, Google Earth, TripAdvisor ? Que serait votre week-end en France sans Voyages-sncf.com, viaMicherin ou routard.com ? Cet usage technologique banalisé a bouleversé radicalement les usages, les consommations et les productions.
L’ère de la désintermédiation
Ce phénomène redéfinit les futurs modères économiques des entreprises et le rôle des acteurs (agences de voyage, assembleurs, etc.). Les impacts de la géolocalisation sur les services et les produits touristiques sont nombreux (GPS, iPhone, visites interactives multilingues, etc). L’utilisation du RDIF (Radui Frequency Identification) a des conséquences internes sur les processus des entreprises touristiques. Le téléphone peut servir, grâce à la lecture d’un code barre sur une étiquette, à un seul
Enregistrement pour l’ensembe des déplacements et des consommations d’un séjour touristique (transports publics, Velib, autopartages, etc.).
Depuis 1960, le poids des services de communication dans le budget des ménages a quintuplé, avec la diffusion de la téléphonie fixe dans les années 1970 et surtout de la téléphonie mobile et de l’internet depuis le milieu de la décennie 1990. Le taux d’équipement en ordinateurs – comme celui d’accès à Internet – est de l’ordre de 60% des ménages en France en 2010 (contre 20% 156 ans plus tôt). Le nombre de sites marchands sur Internet a quadruplé en 2006 à 2009. Les produits touristiques constituent l’un des deux premiers postes d’achat sur Internet, qui est devenue le moyen le plus utilisé pour la vente à distance. L’etourisme bénéficie des innovations du web 2.0 (voir 3.0 ou 4.0). Les principaux opérateurs du tourisme ont tous développé des stratégies de diffusion multicanal (brochure, Internet, téléphone) afin de répondre à la concurrence de certaines entreprises nées de cette nouvelle économie (pure players). C’est sur internet que sont apparus quelques services auxquels le consommateur s’est vite habitué (déstockage, vente de dernière minute).
E-COMMERCE ET TOURISME EN FRANCE MÉTROPOLITAINE EN 2009
Bilan de I ‘ensemble des sites de e-commerce :
> CA global : 25 milliards d’euros (> 30 milliards d’euros en 2010)
> Plus de 24 millions de Français achètent sur internet
> 64 000 sites marchands
– plus 35% en un an
– 2 sites marchands créés toutes les heures en France
– 278 millions de transactions
– 500 sites (>10.000 commandes mensuelles)
– une cinquantaine de sites (>100.000 commandes mensuelles).
> Panier moyen : 90 euros.> Top 3 (en millions de visiteurs, moyenne mensuelle d’octobre à décembre) :
– eBay (12,8) ;
– PriceMinister (10.9) ;
– Amazon (10.8).
Agences de voyages (4″ trimestre 2009) :
> 10.5 millions de visiteurs (1/3 des internautes)
> Top 5 (en millions de visiteurs, moyenne mensuelle d’octobre à décembre)
– Voyages-Sncf.com (7.1)
– Promovacances (2,8)
– VoyagePrive (1.9)
– Lastminute.com (1.9)
– Opodo (1,6).
Source : Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD, zoto).
L’évolution du consommateur
Cette maîtrise des informations – hormis la fixation des prix des produits – a transformé le consommateur en un expert. Il est devenu son propre tour-opérateur, capable de choisir une destination, un billet d’avion, un hôtel, un restaurant, une voiture entre mille, d’assembler, de comparer. Il est un consommateur averti, dont les pratiques évoluent rapidement, auxquelles les entreprises touristiques doivent s’adapter. Deux défis apparaissent essentiels dès lors pour ces dernières : contrôler les informations contenues dans les bases de données et les moteurs de recherches, améliorer la gestion de la relation client, dont on dit aujourd’hui qu’elle est le cœur de l’activité (on parle également de personnalisation de masse).
Selon l’lNSEE, en 2030, la France métropolitaine comptera un peu plus de 67 millions d’habitants. La démographie française sera alors marquée par de fortes disparités régionales qui confirmeront les tendances déjà observées : concentration accrue de la population dans les zones littorales ouest et sud (Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Provence – Alpes – Côte d’Azur, Rhône-Alpes), baisse de population dans le Nord et I’Est (Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Haute et Basse-Normandie, Lorraine, Nord – Pas-de-Calais, Picardie). Le solde naturel restera positif. Certaines régions à la natalité décroissante pourraient connaître un fort excédent migratoire (Bretagne ou Corse, par exemple).
LES RETRAITES, DU PREMIER SECOURS À LA NOUVELLE JEUNESSE
La première loi sur les « retraites ouvrières et paysannes », (ROP), votée en 1910, a créé un système obligatoire par capitalisation. L’âge de départ légal est de 65 ans pour une espérance de vie de 50 ans. Au lendemain de la guerre 1914-18, la retraite devient essentiellement une pension d’invalidité. La crise de 1929, la guerre de 1939-1945 s’enchaînent, et le principe de la retraite par répartition semble plus approprié. En 1945, le régime général de la sécurité sociale voit le jour. La retraite est étendue à I ‘ensemble des salariés, Image de départ légal restant 65 ans.
En 1982, François Mitterrand, alors président de la République, décide de ramener l’âge légal à 60 ans. L’espérance de vie est supérieure à cet âge légal et la pension change de nature : elle ne couvre plus un risque, mais devient une manière de financer une nouvelle phase de la vie.
Pour une population vieillissante, en France et en Europe…
Le vieillissement est un changement démographique inéluctable. 2030 sera très certainement l’apogée du vieillissement en France. D’ici cette date, l’âge moyen en France métropolitaine augmentera de près de 4 ans. Le nombre de personnes de plus de 60 ans (20 millions de baby-boomers) progressera de 60 % environ. Les personnes âgées de 80 ans et plus seront environ 5 millions, pendant que le nombre des jeunes de moins de 20 ans sera inférieur d’au moins 20 % à celui des 60 ans et plus (il est était supérieur de 20 % en 2005). L’Ile-de-France restera la région la plus jeune, grâce à une fécondité dynamique et à un profil migratoire singulier (accueil des étudiants et des jeunes actifs, départ des actifs avec charge de famille, ainsi que des retraités). Dans les pays de l’Union européenne, d’ici 2035, le nombre d’individus de plus de 65 ans devrait augmenter de près de 60 millions (soit l’équivalent de 12 % de la population de 2010).
…quelle offre touristique ?
Ce vieillissement va influencer le tourisme de plusieurs manières. La croissance vive du nombre de retraités, doublée d’une baisse de quelque 20 millions d’actifs, pose la question centrale du paiement des retraites, c’est-à-dire du pouvoir d’achat, donc du revenu disponible des seniors, ceux pour qui l’industrie touristique a déployé des trésors d’imagination depuis plus d’une décennie.
Les retraités à venir sont de plus en plus jeunes, beaux, sportifs et touristes. L’allongement de l’espérance de vie et l’amélioration des conditions d’existence sont un fait économique et social sans précédent. Selon le sociologue Jean Viard, la durée moyenne de vie passe du début à la fin du XXème siècle de 500 000 à 700 000 heures, le temps de travail moyen chute de 200 000 heures à 70 000 heures, pendant que les temps de consommation télévisée (100 000 heures) et de loisirs (200 000 heures) occupent la moitié des existences actuelles.
EVOLUTION DE LA POPULATION DE LA FRANCE MÉTROPOLITAINE ENTRE 2005 ET 2030
Âge moyen
- en 2005 : 39 ans
- en 2030 :42,6 ans (43,2 ans sans migrations)
Structure par âge (en %)
En 2005:
- moins de 20 ans : 24,9
- 20-59 ans : 54,3
- plus de 60 ans : 20,8 (dont plus de 80 ans : 4,5)
En 2030 :
- moins de 20 ans : 22,6
- 20-59 ans : 48,1 ;
- plus de 60 ans : 29,3 dont plus de 8o ans : 7,2).
Source : INSEE (2006).
Comment imaginer donc ces quelques 200 000 heures de loisirs. y compris de voyages, à organiser dans les décennies a venir pour des touristes vieillissants ? Le vieillissement aura très certainement des conséquences sur les migrations touristiques internationales, façonnant un tourisme différent d’aujourd’hui, dont on peut aisément imaginer qu’il sera influencé par des questions liées aux risques, supposés ou avérés. L’insécurité géopolitique, les conditions sanitaires (faire voyager des personnes dépendantes), le coût des déplacements, la solitude des plus anciens vont forger de nouveaux réflexes. De nouvelles demandes, donc de nouvelles offres. Les prix des voyages seront évidemment déterminants, parfois au détriment de la destination. C’est pourquoi le tourisme en France sera toujours d’abord hexagonal, puis européen. Les produits porteurs de sens et de valeurs seront visiblement en phase avec les attentes des générations aux cheveux blancs. Un sens découverte, de partage, mais également de liens et de temps social (esprit croisière) ou de vitalité (santé, bien-être, forme, etc.).
On a coutume d’affirmer chaque année, lorsque les chiffres de fréquentations touristiques sont annoncés, que la France, cocorico, est le premier pays visité au monde. Sans doute certains pensent-ils que c’est l’esprit des lumières qui est célébré dans les villes et les sites les plus visités (Paris compte, par exemple, en moyenne chaque jour près de 10 % de population étrangère touristique). On loue le poids majeur de l’activité du secteur dans l’économie nationale. L’économiste et historien Jacques Marseille aimait rappeler d’ailleurs que « dès le XlX » siècle, l’excédent lié au tourisme en France compensait la moitié du déficit de la balance des paiements. » Les touristes ont fait naître, puis ont porté le développement du tourisme en France. Des associations (Touring CIub de France, Club alpin français, Automobile Club de France) ont vite contribué à l’information, à l’organisation d’activités et au balisage d’itinéraires, au développement de l’accueil et de l’hébergement.
LE TOURISME EUROPÉEN EN QUELQUES CHIFFRES (2010)
> Population de I’Union européenne (27) :5oo millions d’habitants :
-
- Taux d’intention de départ : 64 %
- 76 % des Européens partant en vacances vont en Europe
- 1er critère de choix : la qualité des infrastructures touristiques
- 1ère activité en vacances : le repos
> Près de 50 % des Européens utilisent lnternet pour préparer ou acheter leurs va.cances.
> 30 % des Européens décident de leurs destinations à la dernière minute.
-
- 30 % des Européens achètent des Forfaits tout compris.
> Budget moyen « vacances » : 2 083 €. Exemples :
-
- Royaume-Uni : 2372 €
- Allemagne : 1956 €
- France: 1945 €
- Espagne : 1879 €
- Plus de 8o % des Européens choisissent leurs vacances en fonction de leurs finances
- 7% ont déjà ou vont emprunter pour partir en vacances
> 5 à 6 millions d’emplois directs.
Source : Baromètre lpsos – Europ Assistance (2011).
La démocratisation du tourisme en France a touché les vacances d’été d’abord, les congés d’hiver, puis le développement des départs en week-end et le fractionnement des départs en toutes saisons, amplifiés par les nouveaux temps libres. Ce phénomène de masse porté par la croissance économique au cours des Trente Glorieuses, par la construction d’infrastructures (transports, stations du littoral et de la montagne, villages de vacances, campings, etc.) s’est étendu aux régions rurales, puis aux villes.
Le touriste en France est un touriste de loisirs ou un touriste d’affaires. Qui connaît cependant son influence sur l’ensemble des consommations de produits dérivés ? Personne. Avant l’instauration de l’espace de Schengen, les statistiques comptaient les passages aux frontières, mais les frontières ont disparu en Europe et l’euro a remplacé la majorité des monnaies continentales. Les données principales proviennent encore aujourd’hui de la Banque de France. Tout ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que le tourisme est le premier secteur excédentaire dans les échanges extérieurs de la France. Un excédent annuel de 9, 10, 13, voire 15 milliards d’euros ? On ne sait pas précisément, mais c’est bien plus que l’industrie automobile ou que l’industrie agro-alimentaire.
Le tourisme apparaît bien souvent comme la ressource contribuant à diversifier l’activité locale face aux déclins agricole et industriel. Le produit « France », lui, n’est pas délocalisable, ses habitants non plus ; l’industrie touristique est composite, son tissu dense porte souvent les dynamiques régionales. Pourtant, certains ressentent une perte de son influence dans le monde touristique. Cette évolution s’explique par la courte durée moyenne des séjours dans l’Hexagone – pays de transit pour les vacanciers de l’Europe du Nord vers l’Europe du Sud -, par la faiblesse des investissements et par des politiques qui encourageraient I’ allongement des séjours d’affaires et d’agrément, notamment en région parisienne (moins de deux nuitées en moyenne) alors que les touristes, eux, sont de plus en plus mobiles. Il faut donc savoir les attirer et les fidéliser.
Les perspectives de croissance du tourisme
Si la France doit maintenir sa part de marché touristique dans le monde dans les vingt prochaines années et si les croissances à l’échelle globale des flux touristiques internationaux poursuivent le doublement décennal observé depuis un demi-siècle (ce qui n’est pas certain, malgré les prévisions – sans doute très optimistes – de l’OMT qui ne prennent en compte que les arrivées aux frontières, indicateur de mobilité, et non le volume des séjours nationaux et internationaux), ce sont plusieurs dizaines de millions de personnes supplémentaires qui devront être accueillies sur le territoire national. La mondialisation, malgré ce que certains en disent, peut enrichir (500 millions de personnes dans le monde sont sorties de la pauvreté en 20 ans, le nombre de personnes solvables a augmenté). Le tourisme est l’une des premières aspirations des nouveaux consommateurs. C’est donc là un gisement d’emplois considérable en France, bien plus que toutes les autres industries. Le regard que les étrangers posent sur nous, sur nos atouts et sur nos faiblesses est révélateur à cet égard. Le tourisme est mondialisé, les analyses doivent l’être également.
Il est parfois difficile de connaître le poids réel du tourisme dans l’économie locale. L’exemple de la Corse est à ce titre intéressant. Certaines publications l’estiment de 7 à 30 %. On connaît le nombre de nuitées ou de passagers, certes, mais que sait-on de leurs achats, de leurs dépenses, de leurs influences sur l’économie ? En Dordogne ou dans la Creuse, le tourisme représenterait plus de 50 % de l’activité économique. Cela signifie donc que le touriste est avant tout un consommateur, voire un revenu potentiel générateur d’emplois, pour l’ensemble des acteurs économiques. Le pouvoir d’achat d’un touriste se mesure soit à sa monnaie nationale, soit à son revenu. L’augmentation des salaires moyens nets (en prenant comme référence l’année 1950 en base 100 en euros constants, l’indice atteint 353 en 2007) et du pouvoir d’achat ont contribué à l’expansion de la consommation touristique.
Les consommations touristiques en France
Les consommations prennent désormais des formes particulières, notamment marquées par le court séjour et le recours à la technologie (internet). Les produits touristiques reposent aujourd’hui sur trois éléments essentiels : la qualité, le prix et la capacité à fidéliser une clientèle, puisqu’ils sont appelés à être consommés plusieurs fois dans la vie du consommateur. Il n’est pas rare que les touristes partent plusieurs fois dans l’année, même si la baisse récente du taux de départ en vacances des Français – liée à l’évolution de leur pouvoir d’achat et à la crise – indique qu’ils font des arbitrages économiques très clairs pour maintenir leurs traditionnelles vacances d’été « longs séjours » (au moins deux semaines), dans un cadre protecteur, le plus souvent familial, » viatique anti-grisaille et moment de retrouvaille et de convivialité » selon Petra Friedmann, l’ancienne directrice générale d’Opodo France.
Les évolutions des comportements des consommateurs influencent, évidemment, l’ensemble de l’offre touristique. Proximité, balnéaire, découverte : telle pourrait être la trinité du touriste français. Les Français s’avèrent assez casaniers. Disposant sur leur sol de richesses touristiques d’une exceptionnelle variété, ils ne voyagent pas beaucoup à l’étranger contrairement aux Allemands et aux Anglais. Et s’ils le font (à peine 10 % du nombre total des séjours annuels estimés), c’est en majorité dans un horizon proche, l’Europe représente 70 % des déplacements touristiques des Français hors Hexagone.
Ce besoin de proximité – notamment géographique, linguistique et culturelle – décide souvent de la destination que choisit un Français lorsqu’il franchit une frontière ! C’est pour cette raison que le touriste français apprécie de voyager au Maghreb, au Sénégal ou au Québec. Hélas pour lui, les pays non francophones sont majoritaires dans le monde. Et les Français ne sont pas tous encore polyglottes. C’est en parcourant, par exemple, des pays d’Asie ou d’Amérique latine que le touriste français se sent vraiment à l’étranger. Pour se préserver d’un choc touristique trop important, il fait souvent appel à des agences de voyages spécialisées en leur achetant un forfait garantissant l’ensemble des prestations touristiques (transport aérien, transport terrestre, hôtellerie, etc.). Les sonorités de langues « étranges » ou les habitudes culinaires suffisent à se sentir ailleurs, sans risquer de se perdre (ce qui finalement est extrêmement rare, convenez-en) !
Que serait la France sans ses traditionnels bouchons des jours de départ en vacances, voire en week-end durant les ponts du mois de mai, aux fameux péages de Saint-Arnoult ou du triangle de Rocquencourt ? Des centaines de milliers de touristes parcourent ses routes en permanence, avec une prédilection pour la saison estivale (dite « haute saison » de juin à septembre et « très haute saison » de mi-juillet à mi-août), pour une destination méridionale (30 % des nuitées en camping dans le Sud-Est), pour des courts séjours (près de 60 % des séjours). C’est une réalité démographique et économique incontournable. Mais d’autres signes soulignent les faiblesses du tourisme en France… Ainsi, les départements d’outre-mer (DOM) dépendent de façon quasi exclusive de leurs relations avec la métropole, en contradiction avec l’ensemble des évolutions des flux touristiques et des nouvelles formes de consommations (proximité, courts séjours, etc.) observés partout ailleurs. La Martinique, la Guadeloupe ou La Réunion présentent une inadéquation, ou une inadaptation, de leurs ressources à des dynamiques désormais largement mondialisées : les deux premières souffrent, par exemple, de la concurrence d’autres destinations, comme la République dominicaine pour le tourisme de croisière.
Préparer I’avenir
Plus largement, une comparaison entre la situation touristique nationale et celle de nos voisins et concurrents immédiats, Espagne et l’Italie, a été effectuée lors des Assises du tourisme, en 2008, et plus récemment, en juin 2010, lors de la présentation par Atout France de » Stratégie Destination France 2010-2020 « . Elle montre qu’au contraire de ces deux destinations, la France est perçue, par les Allemands et par les Britanniques notamment, plus comme une destination de court séjour qu’une destination de vacances. Le tourisme en France dépend trop de la place de Paris (une certaine monocéphalie du tourisme urbain et international) et de la Côte d’Azul ces deux seules destinations attirent plus d’un million de visiteurs. Son coût est perçu comme élevé (rapport qualité-prix assez faible) et son accueil comme sommaire (problèmes culturels, de formation et de compétences professionnelles). Les enjeux sont importants, et la France doit s’y préparer. C’est pourquoi la France a pour objectif, en présentant cette nouvelle « Stratégie », de devenir la première destination en valeur en Europe à I ‘horizon 2020. Il s’agit, pour cela, de choisir les bonnes cibles et d’y concentrer les efforts : les seniors des marchés matures, les nouvelles classes moyennes des pays émergents, les familles, mais aussi les jeunes qui peuvent véhiculer une image positive de la destination. Si la France propose des offres adaptées aux jeunes touristes étrangers, ceux-ci contribueront, par le biais des différents réseaux sociaux, à porter des images de la France insuffisamment reconnues : son caractère festif, sa modernité, voire sa qualité avant-gardiste dans certains domaines.
L’Europe accueille encore aujourd’hui la moitié des touristes internationaux de la planète, soit près de 460 millions d’arrivées aux frontières, les deux tiers de ces arrivées provenant des pays européens eux-mêmes. Le tourisme européen est largement arrivé à maturité : une maturité historique mais également une maturité liée aux structures économiques et industrielles. C’est en Europe qu’on inventa le mot « tourisme », c’est en Europe que les premières consommations et modes touristiques sont nées, du voyage initiatique des jeunes aristocrates anglais sur les traces des vestiges antiques aux créations des stations thermales, balnéaires et de montagne, des événements comme le Tour de France cycliste à la saisonnalité des destinations. C’est cette Europe dont les touristes viennent admirer le patrimoine ; c’est en Europe que chaque territoire, même mal desservi, développe des projets touristiques, seule perspective du maintien d’une économie et d’emplois pérennes.
Le tropisme européen… des Européens
En Europe, deux pays, l’Allemagne et le Royaume-Uni, sont réputés particulièrement émetteurs de touristes vers d’autres pays, notamment méditerranéens. La tendance à la consommation intrarégionale est très forte : elle concerne plus de 80 % des Européens qui franchissent une frontière. Ce sont des entreprises allemandes et anglaises qui font figure de multinationales de l’industrie du tourisme, ayant développé leurs activités par le rachat de grands acteurs européens concurrents (intégration horizontale) et par la maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur touristique (intégration verticale), de la création du produit touristique (forfait) à sa commercialisation (distribution), du transport à l’hébergement, en passant par la vente d’autres prestations (agences réceptives, assurances ou autres). TUI est devenu le premier opérateur européen touristique (CA de plus de 20 milliards d’euros en 2009), après avoir racheté des entreprises comme Nouvelles Frontières (2002), en France, ou First Choice (2007), en Angleterre. Thomas Cook est le deuxième acteur européen, né du développement de Neckermann Reisen, dans les années 1990, dans d’autres pays européens, par le rachat d’Havas voyages (2000) en France, ou du holding britannique éponyme (2001).
Le poids du tourisme «domestique»
Mais l’Europe n’est pas seulement ouverte aux touristes internationaux. Dans la première moitié du XX » siècle, une très grande majorité des Européens consomment leurs loisirs dans leur propre pays, voire dans leur propre région. Le poids de l’histoire est très prégnant. Certaines organisations religieuses ou philanthropiques (scout, YMCA), certains régimes politiques totalitaires (Italie, Allemagne, URSS) ont vanté la symbolique de la terre natale et de sa découverte par le plus grand nombre. Fausto Coppi remporte d’ailleurs ses premières courses cyclistes en 1939, avec le maillot du Dopolavoro sur les épaules. Dans les décennies qui suivent, l’idéologie liée au tourisme est différente (mouvements chrétiens sociaux, clubs laïques de gauche) : par exemple, les premiers centres de vacances encouragent la découverte des belles provinces de France. Le lien entre le territoire et le tourisme est ténu, fin, intime.
Les pays européens méditerranéens (France, Espagne, Italie, Grèce) présentent des caractéristiques très semblables. Le tourisme interne y est important, 80 à 95 % des résidents se déplacent et consomment leurs vacances dans leur pays. Le tourisme récepteur y est également très développé (accueil des touristes internationaux non-résidents), exerçant notamment des contraintes foncières fortes sur les zones littorales. Le dynamisme économique est supporté par de très nombreuses petites et moyennes entreprises, souvent familiales, tournées vers les activités du tourisme réceptif (hébergement, restauration, transport, patrimoine, culture, etc.), hormis quelques grandes, mais rares entreprises dans les secteurs de l’hôtellerie (Accor en France, Sol Melià et NH Hoteles en Espagne), des tour-opérateurs (Iberostar, Club Méditerranée), du voyage d’affaires (Carlson Wagonlit travel, Havas voyages American express), des parcs d’attraction (Disneyland Paris, Astérix, Futuroscope) ou d’équipements spécialisés (ports de plaisance, palais des congrès, centres de sport, de santé ou de culture). Des nouveaux marchés européens sont nés ou réapparus durant les deux dernières décennies, souvent grâce à la disparition du mur qui séparait l’Europe en deux blocs. L’Ukraine (et notamment la Crimée), la Croatie ou le Monténégro en sont les trois meilleurs exemples, aux rivages parfois escarpés offrant des paysages méditerranéens accessibles, des criques et des plages moins fréquentées que celles de Saint-Tropez à la mi-août.
Le tourisme non marchand
Une grande part de ces nouveaux touristes ne recourt pas – ou pas seulement – à des prestations dites » marchandes « , qui font l’objet de commerce payant. Nombre d’entre eux effectuent leurs déplacements touristiques en véhicules personnels (automobile, moto, parfois même vélo). La structure haussière et incertaine du prix de l’essence modère les distances parcourues. De même, les hébergements préférés – ou, à défaut, les plus usités – des touristes « domestiques », sont les logements offerts par la famille ou des amis, le temps d’un week-end ou de quelques jours de vacances. Pour d’autres, la villégiature est un rituel que rien au monde ne viendrait distraire. On dénombre près de trois millions de résidences secondaires en France (Alpes maritimes, Var, Haute-Savoie et Paris en concentrent près de 40 %), où les touristes pratiquent majoritairement les activités typiques des vacances (baignade, nautisme, randonnée, etc.). Ce phénomène est très européen, l’Amérique du Nord n’ayant pas le même engouement (même nombre de résidences secondaires aux USA qu’en France pour cinq fois plus d’habitants !).
Source : Le Guide du Routard
Cet article fait partie du dossier été 2017
La fin du XXème siècle est le temps de la mondialisation. Les marchandises parcourent le monde, des immenses ateliers chinois aux grands centres commerciaux des périphéries urbaines, le carton et le conteneur en étant les emblèmes quotidiens. Le tourisme n’échappe pas à la règle, la massification des touristes internationaux allant de pair, au cours des dernières décennies, avec l’ouverture des frontières – réelles ou symboliques – aux mobilités de ceux que Jean Cocteau définissait comme de » célèbres inconnus « . De quelques-uns à plusieurs centaines de millions qui, chaque année, traversent et visitent un pays en quelques jours, voire en quelques heures, les touristes sont apparus de façon brutale et considérable dans un monde qui ne connaissait des migrations importantes que les récits des épopées bibliques ou pastorales, les invasions militaires ou belliqueuses, ou le souvenir des millions d’individus quittant, un siècle plus tôt, la famine et la pauvreté d’Irlande ou d’Italie vers
cette Amérique qui promettait l’eldorado et une nouvelle vie. Le touriste ne fut donc identifié que comme ce consommateur pacifique de mobilités, d’espaces, de lieux de nature et de culture, d’activités, de curiosités, de services et d’événements qui, comme l’écrivit le poète allemand Hans Magnus Enzensberger, « faute de pouvoir changer le monde, change de monde ».
L’émergence du tourisme international
C’est là l’une des révolutions majeures du siècle dernier : le tourisme s’est mondialisé, à la vitesse des progrès du niveau de vie, du niveau culturel et de la mobilité, de la baisse du coût des transports (notamment aériens) et des facilités nouvelles offres à la circulation des personnes et des biens depuis la Seconde Guene mondiale. Mais le tourisme peut aussi être domestique, à l’intérieur des frontières des Etats. S’il est ignoré le plus souvent d’un point de vue statistique, c’est l’Etat qui structure quantitativement le flux dominant des consommations touristiques.
Les Américains voyagent principalement aux Etats-Unis, comme les Français le font majoritairement en France. Dans sa structure macroéconomique, le tourisme suit les grandes tendances des principaux indicateurs du commerce international. Les services commerciaux identifiés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – transports, voyages et autres – ont bénéficié en termes de volumes échangés, de la mondialisation. Cela prouve combien le tourisme est devenu une activité économique mondialisée.
La croissance de l’activité touristique est continue entre 1 950 et le début du nouveau millénaire, les comportements de voyage étant intimement liés aux cycles macroéconomiques. Les périodes de crise ou de récession (crise pétrolière, guerre du Golfe, crise financière asiatique, attentats du 11 septembre 2001, etc.) accentuent les inversions de tendances touristiques, restructurent les marchés et entraînent parfois de nouvelles habitudes de voyage. Des marchés réputés secondaires en ont souffert, notamment lorsque le tourisme est une mono-industrie et représente la plus grande part des ressources d’une économie (plus de 30 % du PIB des îles de Maldives, de Macao, des Seychelles, etc.).
État des lieux
La valeur des services commerciaux échangés est importante et les partenaires nombreux. Trois marchés régionaux principaux dominent structurellement l‘activité touristique dans le monde : l’Europe, les Amériques et l’Asie- Pacifique représentent près de 90 % des flux touristiques, flux physiques et flux financiers. L’Asie apparaît comme le dragon du tourisme mondial à la croissance exponentielle, aux capacités humaines et industrielles inégalables. La Chine et l’Inde seraient les têtes de l’hydre, leurs classes aisées – et aujourd’hui une part non marginale de leurs classes moyennes – accédant aux vacances et aux loisirs. Pour certains, les pays émergents généreront des flux importants de nouveaux touristes internationaux sur les marchés traditionnels. Pour d’autres, la démographie urbaine chinoise (plus de 500 millions d’habitants), comme le poids grandissant des autres nations des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) dans l’économie mondiale (40 % du PIB mondial en 2025) bouleversent les équilibres et vont profondément redessiner les marchés et les acteurs du tourisme dans le monde. Ces quelques marchés gigantesques, aux croissances récentes mais inflationnistes, sont certainement les puissances touristiques de demain, pas seulement en termes de clients, mais surtout de capacités financières et d’investissements. Les » tigres » sortent les griffes, comme certains pays du Moyen-Orient investissent leurs pétrodollars dans des infrastructures de transport (aéroports internationaux ou hubs), des compagnies aériennes (Emirates, Qatar Airways, etc.) censées transporter des touristes venus du monde entier pour dépenser sans compter dans de gigantesques et luxueux complexes touristiques (comme à Dubar).
Ces chiffres illustrent bien l’idée d’une économie globalisée, dont la croissance à la fin du XXème siècle a doublé chaque décennie, basée sur les échanges et consommant allègrement transports, énergies fossiles, espaces et paysages. Ils soulignent également les profondes inégalités d’accès aux vacances, aux voyages et aux loisirs dans le monde. Ces inégalités ne distinguent pas seulement les réalités occidentales de celles des pays les plus démunis, en Afrique subsaharienne notamment. Le revenu disponible des ménages (pour consommer et/ou épargner) représente le premier facteur de départ, le niveau de vie déterminant très fortement les taux de départ, les fréquences et les destinations de voyages.
Source : Le Guide du Routard
Cet article fait partie du dossier été 2017
Le tourisme est d’abord un voyage : un voyage à travers l’histoire, la géographie, les cultures. On voyage d’abord pour découvrir, observer, échanger, rêver. Les voyages des Grecs ou des Phéniciens, les périples de Nicolo, Mafeo et Marco Polo n’étaient pas très différents, mais duraient le temps d’une vie ou presque. La mondialisation existait, mais n’en portait pas encore les stigmates, ni le nom d’ailleurs. Le monde restait à découvrir. Une expansion des civilisations reposant sur l’invention et sur l’innovation technologique, la vitesse des échanges a augmenté, d’abord au rythme des chevaux, puis de la vapeur et, enfin, des moteurs à explosion (et même, aujourd’hui, électriques). Les sources d’énergie ont sans cesse repoussé les frontières des déplacements, leurs volumes et leurs fréquences.
Fermez les yeux, lecteur, et tentez d’imaginer, ne serait-ce qu’un instant, les conditions d’un voyage au début du siècle dernier. En 1900, Emile Loubet est président de la République. Le métro est inauguré à Paris, les plaques d’immatriculation sont rendues obligatoires sur les quelques centaines d’automobiles qui pétaradent dans les rues des grandes villes. C’était hier, c’était il y a si peu de temps. Les chemins de fer forment sur les terres de I’Europe occidentale un réseau particulièrement dense, emprunté par des locomotives crachant des fumées noirâtres, chargées de cette odeur tenace du charbon qui se consume.
Les routes sont encore couvertes de terre, la poussière s’élève dès les premières chaleurs, les voitures sont si lentes. Quelques amateurs de technologies bandent les roues de gomme de caoutchouc, on les appellera plus tard les pneumatiques. Le premier guide Michelin pour les automobilistes est publié. Les cols des Alpes ne cèdent pas pour autant leurs lacets aux moins intrépides des voyageurs. Les rares privilégiés qui les empruntent goûtent ces trajets comme autant d’aventures. Le Mont-Cenis, le Brenner, le Montgenèvre ouvrent les portes vers cette ltalie où il est indispensable de se rendre. Venise, Bologne, Florence, Rome, Naples, toutes ces villes attirent les touristes français, allemands ou anglais. Sentez-vous le parfum de l’expédition ?
Révolution industrielle et « droit à la paresse »
Puis le voyage a changé. Il est entré dans l’ère de la modernité issue de Ia révolution industrielle, des paysages d’usines et de fabriques, des villes qui s’étendent à la vitesse des transports qui, de l’autre côté de l’Atlantique, façonnent l’identité de I’Amérique. Les routes sont goudronnées, les voitures vont de plus en plus vite. Des lois sociales sont votées et les citoyens du monde occidental continuent d’être payés lorsqu’ils partent en congés (« Bank Holiday Act » en Angleterre, dès 1871, puis aux Etats-Unis et au Canada, multiplication des fêtes commémoratives de trois jours, Thanksgiving Day, Halloween). La liberté s’exprime. La mémoire collective retient, en France, qu’au Front populaire, en 1936, correspond » l’An I du bonheur « , selon l’expression de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’organisation des loisirs. On célèbre ces images devenues symboles républicains, les files ininterrompues de tandems sur les petites routes empoussiérées de campagne, les gares des grandes villes – et surtout de Paris – digérant avec peine les flots de passagers, les feux de camp, les auberges accueillant les travailleurs jusque sur les côtes et dans les vallées. En 1936, 22 des 42 millions de Français vivent en ville, tandis que 20 millions vivent encore dans les zones rurales. C’est l’âge d’or de l’État providence, qui investit dans de multiples infrastructures de transports. On prend le train, le bateau et bientôt l’avion pour découvrir le monde. De nouvelles destinations deviennent à la mode.
Vers une industrie de l’escapade
La Seconde Guerre mondiale saigne l’Europe et le monde, qui n’ont plus le cœur à rêver de l’ailleurs. Il faut attendre les années 1950 pour que les premières formes du tourisme moderne apparaissent et s’ouvrent à un plus grand nombre. L’urbanisation et l’individualisation des mobilités, avec l’essor de l’automobile, vont marquer le début du tourisme de masse. Quand I’Europe est reconstruite, des efforts sont faits pour permettre et pour organiser les vacances des plus démunis, des familles, des plus jeunes. Des améliorations techniques les accompagnent : des autoroutes sont construites, le bitume couvre la plupart des routes nationales et secondaires, les avions abolissent les distances. Les Trente Glorieuses inaugurent également l’ère de l’activité entrepreneuriale touristique, destinée à vendre des voyages et des produits finis (clefs en mains ou tout inclus), et consacrent le temps des consommateurs en quête de rêve ou d’exotisme banalisé. De nombreuses entreprises naissent, comme la FRAM (fer – route – air – mer), en 1949, pour transporter des pèlerins d’abord du Sud-Ouest de la France vers les lieux saints de Lourdes et, au Portugal, Fatimà, Ie CIub Méditerranée en 1950, Nouvelles Frontières en 1967. Les premiers charters s’envolent, des millions de touristes choisissent les plages de la Méditerranée comme refuge estival. Les campings fleurissent et les stations balnéaires se développent sur toutes les côtes, sans grand souci esthétique.
C’est le temps de l’industrialisation du tourisme. On définit d’ailleurs bientôt le tourisme comme l’ensemble des activités qui concourent aux déplacements effectués hors du domicile permanent pour des motifs d’agrément, d’affaires ou de santé. Le champ du tourisme est vaste. Il concerne désormais de nombreuses activités spécialisées (hébergements, agences de voyages, tour-opérateurs, offices de tourisme, etc.), mais aussi des activités connexes (transports, restauration, loisirs, culture et patrimoine, sports, commerces, environnement, nouvelles technologies, internet, etc.).
Source : Le Guide du Routard
Cet article fait partie du dossier été 2017